Depuis 2009, Régis Labeaume se targue et répète ad nauseam sur toutes les tribunes que son administration a haussé, budgétairement, les taxes du secteur résidentiel en respectant l’augmentation du taux d’inflation. Cependant l’analyse des budgets de la période de 2008 à 2017 confirme plutôt que l’administration Labeaume a surtaxé les citoyens du secteur résidentiel. En effet, de 2008 à 2016 cette surtaxe représentait 18,7 millions de dollars de « dette » budgétaire, soit un montant moyen annuel de 2 millions de dollars. Cette « dette » fut réduite à 10 millions de dollars avec le gel des taxes annoncé dans le budget 2017, l’administration Labeaume « remboursant » ainsi une partie du trop-perçu budgétaire.
Méthodologie et écart cumulatif en défaveur des citoyens depuis 2009
Notre méthodologie fut de compiler les hausses annuelles annoncées de 2008 à 2017, lesquelles ont été retracées dans les budgets respectifs [1]. Nous avons par la suite comparé les pourcentages de hausse à celle du taux d’inflation annuel selon Statistique Canada[2]. Le tableau 1 ci-dessous résume de 2008 à 2018 tous les pourcentages d’augmentation budgétés par l’administration Labeaume pour le secteur résidentiel.
Le pourcentage cumulé est bloqué à 17,45% depuis le budget 2016 en raison d’un premier gel (0,0%) confirmé dans le budget 2017 et puis d’un autre politiquement annoncé pour 2018. Le tableau 2 démontre les écarts annuels et cumulatifs depuis 2008. L’écart cumulatif a atteint son pic à 3,25% en 2016 et a été réduit à 1,85% avec le gel de 2017.
Ce tableau démontre que pour les neuf années couvrant la période de 2008 à 2016, l’administration Labeaume a surtaxé le secteur résidentiel pour six de celles-ci, soit deux fois sur trois. La surtaxe la plus élevée fut celle de 2009, soit une hausse de taxes budgétée à 2,3% et supérieure de deux points de pourcentage (2,0%) au taux d’inflation réel de 0,3%. Le tableau fait également ressortir que l’écart cumulatif a été maintenu en défaveur des citoyens résidentiels sans interruption depuis 2009 pour culminer à 3,25% en 2016.
La « dette » budgétaire (surtaxe Labeaume)
Le tableau 3 chiffre en dollars les écarts en pourcentage du tableau 2. La surtaxe cumulative depuis 2008 a atteint son sommet en 2016 à 18 695 000 $, pour être diminuée en 2017 à 10 250 000 $ avec le gel annoncé dans le budget.
Le tableau 3 indique clairement que l’écart cumulatif de la surtaxe est en défaveur des citoyens résidentiels depuis 2009. L’écart cumulatif était à 7 805 000 $ en 2009, pour descendre à 2 165 000 $ en 2011, puis remonter à un palier de 7 010 000 $ et plus depuis 2012. La surtaxe annuelle moyenne fut de 2008 à 2016 de plus 2 000 000 $.
Le tableau 3 estime également les intérêts annuels non composés qui seraient dus par l’administration Labeaume aux citoyens résidentiels, lorsque calculés selon le même principe imposé par la Ville aux payeurs retardataires. Il serait équitable d’ajouter des intérêts à la surtaxe Labeaume, lesquels atteindraient plus de 6 millions de dollars depuis 2008, soit environ 30 $ par logement résidentiel.
Hypothèses budgétaires non fiables
Des écarts aussi importants auraient dû mettre la puce à l’oreille à l’administration Labeaume indiquant que ses hausses de taxes budgétaires, du moins pour le secteur résidentiel, étaient basées sur des hypothèses non fiables. Le tableau 4 présente les écarts budgétaires annuels et cumulatifs.
Les colonnes intitulées « Comparaison avec la cible… » analysent la performance d’atteinte de la cible budgétaire. À titre d’exemple, la cible budgétaire de l’administration Labeaume pour 2009 était un taux d’inflation projeté de 2,3%, lequel s’est avéré surévalué de 2 points de pourcentage (2,0%), soit 667% plus élevé que le taux d’inflation réel de 0,3%.
La prévision budgétaire de l’administration basée sur le taux d’inflation projeté a raté la cible de 60% en 2012, 111% en 2013 et 63% en 2015. L’année 2011 indique également un écart inverse et significatif de -55%. Clairement l’hypothèse budgétaire de l’inflation projetée était déficiente et très majoritairement en défaveur des citoyens résidentiels.
L’analyse de la performance de l’hypothèse budgétaire du taux d’inflation projeté sous l’angle de la comparaison avec la cible cumulative démontre également des écarts significatifs de non-fiabilité. Par exemple, selon le tableau 1, la hausse budgétaire cumulative de 2008 à 2010 était de 6,45% (inflation projetée) et celle de l’inflation réelle de 4,40% (tableau 4), pour un écart considérable de 46%.
Autre exemple de non-fiabilité : pour les années 2012 à 2016, la prévision cumulée de la hausse de l’inflation projetée fut de 9,7% (tableau 1) et la hausse cumulative réelle de l’inflation de 6,9% (tableau 4), soit un écart cumulatif de 2,8% ratant la cible par 40%, une surtaxe annuelle moyenne de 0,56%.
En se basant sur une information indiquée à la page 63 du budget 2016, cette surtaxe annuelle moyenne de 0,56% représente la somme de 3,2 millions de dollars (règle de trois : si une hausse de 1,9% équivaut à 10,8 millions, 0,56% égale 3,2 millions). Pour la période de 5 ans s’étalant de 2012 à 2016, il s’agit donc de près de 16 millions de dollars en surtaxe selon les propres estimations de l’administration Labeaume, une belle cagnotte au détriment de l’ensemble des citoyens résidentiels.
Absence de volonté politique ou regard détourné?
Les signaux étaient clairs et limpides que les hypothèses budgétaires de l’administration Labeaume basées sur le taux d’inflation projeté étaient non fiables. Si la volonté politique du maire Labeaume était sincèrement de taxer le secteur résidentiel selon le taux d’inflation réel, il aurait fallu corriger le tir dès 2009, sa prévision ayant alors manqué la cible par 667%, presque 7 fois plus. Si en 2011 on semble se rattraper par hasard en réduisant l’écart cumulatif à 0,45% (tableau 2), cet écart n’a cessé d’augmenter par la suite à chacun des budgets pour culminer à 3,25% en 2016 et une surtaxe budgétaire globale d’au moins 18,7 millions de dollars.
Les citoyens de la Ville de Québec sont en droit de se demander où était la volonté politique du maire Labeaume avec des ratés de cibles budgétaires aussi équivoques. Comment le gestionnaire et administrateur Régis Labeaume a-t-il fait pour ne pas voir les nombreux signaux de non-fiabilité de ses prévisions budgétaires selon le taux d’inflation projeté?
Les deux questions se posent et sont légitimes.
Tony Paquet, CPA, CA
Référence:
[1] Ville de Québec – Budget. Profil financier. Budget 2008-2017 (En ligne) https://www.ville.quebec.qc.ca/apropos/profil_financier/budget.aspx
[2] Inflation – Statistique Canada, Indice des prix à la consommation, aperçu historique 2018. (En ligne) http://www.statcan.gc.ca/tables-tableaux/sum-som/l02/cst01/econ46a-fra.htm
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